Jeu de Paume, Paris

JEU DE PAUME | 1, place de la Concorde
F-75008 Paris

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Camille Henrot, née en 1978 à Paris, s'est d'abord intéressée à la gravure avant de réaliser des films d'animation, des vidéo-clips et des films expérimentaux. Cette artiste intervient le plus souvent sur des fragments de films qu'elle s'approprie et transforme en travaillant directement sur la pellicule (dessins, grattage, superpositions, déformation, etc.).

Le projet de Camille Henrot : Le projet s'inspire d'un conte de Grimm : Raiponce. Enfermée au sommet d'une tour par une sorcière depuis son enfance, Raiponce utilise sa très longue tresse comme une corde pour faire monter le prince, charmé par sa voix, jusqu'à elle. Mais la sorcière coupe la tresse et tend un piège au jeune homme. Il tombe du haut de la tour et devient aveugle. Raiponce est chassée du château, mais, bien plus tard, ce sont ses larmes qui rendront la vue à son amour.

Dans ce conte, la chevelure est utilisée comme « moyen de transport ». Le cheveu, en effet, véhicule des contenus (un code génétique par exemple) et des symboles (la représentation d'un défunt) qui semblent abolir le temps. Les trois œuvres présentées au Jeu de paume (Le Grand Troupeau sur la façade, Courage mon amour ! dans le foyer et Persistance rétinienne dans la mezzanine) utilisent le cheveu comme médium pour montrer le jeu permanent d'aller et de retour que la photographie et le cinéma entretiennent avec notre perception du temps et du vivant.

Courage mon amour ! est un film de trois minutes, réalisé à partir d'une pellicule vierge où ont été collés des milliers de cheveux, métaphore de l'avenir du cinéma et plus précisément de la pellicule. Organique (la gélatine est fabriquée à partir d'os), la pellicule est une matière vivante en mouvement qui fixe le vivant pour une éternité fragile. Se substituant de plus en plus à la pellicule, le numérique impose son fantôme, fait disparaître la matière comme la sorcière tente de couper les cheveux de Raiponce.

Aujourd'hui le gage d'amour éternel n'est plus la mèche de cheveux mais la photographie. Les deux portraits qui composent Persistance rétinienne sont rayés d'un trait fait « à l'aveugle ». Le geste de graver est, par nature, celui d'inscrire pour l'éternité (on grave sur une tombe...), mais en arrachant la surface de l'image il fait aussi apparaître le support. Le film (photographique et cinématographique) n'est plus une image arrêtée du vivant mais une matière vivante, comme le sujet auquel il se réfère.

Le Grand Troupeau, film projeté la nuit sur la façade du Jeu de paume, fait défiler un troupeau de chevaux sans fin, tel un bas-relief animé. Ils sont l'image du désir, mais pas seulement. Blêmes et squelettiques, ils sont aussi un présage de mort et évoquent la jument aux yeux fixes qui hantent les nuits d'Albrecht Dürer.

La raiponce qui donne son nom à la jeune fille du conte est une plante filandreuse. Le cheveu, par sa forme et son développement, s'apparente au végétal, mais sa nature de « poil » le rapproche de l'animal. Il possède le pouvoir de transcender les différents domaines du vivant, en reliant l'animal, le végétal et l'humain. Le film et le cheveu tissent le passage de la vie à la mort. Ils sont tous deux des fétiches, reliques d'œuvres ou d'hommes voués à disparaître.

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