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Cette exposition ne traitera pas de l’image photographique comme simple source formelle. Elle ne présentera que peu de photographies mais évoquera celle-ci comme déclencheur de l’oeuvre. Le néologisme de contre-images, formé sur le modèle de contretype, permet d’identifier des démarches où l’œuvre est marquée de ce contact à la photographie.

Dans la prise de vue photographique s’identifie un décalage: distance de celui qui prend la photo (la véritable expérience de l’instantané n’est-elle pas enfin réalisée à partir des années 60 avec les cabines des photomatons organisées autour d’un miroir), distance géographique de la photo collectée, collectionnée telles les vues anciennes dont l’exotisme ethnographique abreuve l’Europe, distance/présence du souvenir quand l’apparition se renouvelle à chaque regard (Barthes). Les œuvres sélectionnées ici se fondent sur ce décalage, celui d’une photo prise avant ou, après et à partir de l’oeuvre.

L’un des textes le plus fréquemment évoqué sur la photographie est celui de Walter Benjamin sur la perte de l’aura de l’œuvre d’art à l’ère de sa reproductibilité. Il dresse à partir de la photographie un constat négatif. Mais la position du photographe est celle qui replace l’artiste avec le plus d’évidence dans la position de maîtrise par excellence dans l’art occidental, celle du regardeur de la perspective de la Renaissance auquel s’adresse l’information. À une époque plus contemporaine, elle peut sembler être l’image du créateur qui entreprend de lutter contre la fragmentation.

L’interrogation centrale à cette sélection est la question de la vérité. Les œuvres sont celles où l’artiste, sans rien laisser de la posture critique liée à une lecture contemporaine de la construction de l’image, indissociable de son usage social, place l’expérience photographique à une distance suffisante pour que cette analyse, loin d’être autotélique, participe d’une sédimentation d’où émerge l’œuvre et où s’affirme la possibilité de récupérer l’image au profit d’une maîtrise personnelle.

Cette expérience de la vérité prend diverses formes. Elle peut trahir une nostalgie par rapport à la « grande peinture » chez Gerhard Richter par exemple, créer une œuvre ouverte, réceptacle au sens, consciemment indépendante de l’histoire de la peinture. Quand Richter avance qu’il fait des photos par d’autres moyens, ce n’est pas la photo qui est le modèle mais la démarche photographique. De même, Luc Tuymans ne découvre un sens à sa pratique picturale qu’à partir de son expérience cinématographique, dans la succession des photogrammes et la maîtrise de la narration. En cela, tous deux se positionnent par rapport à une pratique photographique qui explose après la Seconde Guerre mondiale dans le journalisme et la publicité, une photo « historique » qui prend en compte l’événement, sans formulation évidente ni d’adhésion ni de critique. Ils font leur la question de l’objectivité dans un domaine traditionnellement surdéterminé par l’auteur.

L’inspiration photographique peut être appréhendée chez certains artistes comme la difficulté d’une mise au point (au sens photographique). La crise traversée par Alberto Giacometti entre 1935 et 1945, au moment où il ressent la nécessité d’un retour vers le modèle vivant, est relatée par l’artiste comme le refus du plan moyen, de la vision plate de la photographie et du cinéma et pour une vision essentielle, presque affective, qui incluant la profondeur va jusqu’à l’invisible, c’est-à-dire au toucher.

C’est également pour cerner la vérité de l’image, cette fois-ci à partir d’un matériau photographique, que James Coleman dans La tache aveugle et Douglas Gordon dans 24 Hour Psycho, étendent le temps du photogramme. Ce désir d’aller au-delà de l’apparence se lit également dans l’opacité des visages peints par James Rielly et Luc Tuymans. Calme et couleurs claires sont la façade de nombreuses sous-couches où se cachent de lourds souvenirs, renouvelant les possibilités du tableau d’en dire plus que ce qui est montré dans le cadre, potentialité directement héritée du cinéma.

Le travail de Jean-Olivier Hucleux est contemporain de l’hyperréalisme. Mais loin de copier l’image - le document d’origine est souvent de petites dimensions et de piètre qualité - l’artiste le développe en récupérant le réel pied à pied dans la lenteur de la peinture ou du dessin de chaque détail. A la même époque, la photographie, parfois proche du reportage fait émerger le modèle conceptuel, fondateur de l’œuvre: l’entropie pour Robert Smithson, collecte de l’énergie vitale chez Gabriel Orozco. C’est en tant de transfert du réel sur une surface sensible que la photographie irrigue l’œuvre de Giuseppe Penone. Les techniques d’empreinte mais aussi l’idée de propagation peuvent apparaître dans son travail une diffusion spatiale et temporelle de ce contact photographique.

A partir de 1921, Constantin Brancusi ne cesse de prendre des photos dans son atelier où il opère des groupements toujours différents des œuvres. Daniel Buren a analysé avec respect la position que ces clichés révèlent. Elle favorise une coïncidence du lieu de création et lieu d’exposition dans lequel il reconnaît un antécédent pour son travail. De manière plus radicale, Buren a développé une œuvre indissociable de son contexte d’exposition. A son tour, il photographie ses oeuvres dans les photos-souvenirs, jamais montrées en exposition, mais qui en constituent une lecture essentielle.

Artistes présenté : Constantin Brancusi, Daniel Buren, James Coleman, Alberto Giacometti, Douglas Gordon, Jean-Olivier Hucleux, Johannes Kahrs, Gabriel Orozco, Giuseppe Penone, Gerhard Richter, James Rielly, Robert Smithson, Luc Tuymans.

Pressetext

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Contre-Images

mit Constantin Brancusi, Daniel Buren, James Coleman, Alberto Giacometti, Douglas Gordon, Jean-Olivier Hucleux, Johannes Kahrs, Gabriel Orozco, Giuseppe Penone, Gerhard Richter, James Rielly, Robert Smithson, Luc Tuymans