Mamco Geneva

MAMCO | 10, rue des Vieux-Grenadiers
CH-1205 Geneva

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D. Savary nous offre, avec Saint Martin, un nouveau moment de suspension contemplative, caractéristique de son travail et dont le Mamco a rendu compte à deux reprises déjà. Nous pouvons ainsi nous souvenir de l’accrochage d’une série de fragiles et minutieux dessins, réunis sous le titre « Mine de rien », et de la présentation, lors de l’exposition hors les murs, « Enchanté Château » (à la Fondation Salomon pour l’art contemporain), de deux de ses précédentes vidéos : « La Courtisane » et « Tambours ».

Une fois encore, avec une apparente légèreté, l’artiste construit une image, posant un filtre délicat sur notre proximité. Ce plan fixe de deux minutes propose une unité de temps. Sur une colline, à la tombée du jour, se découpe, bornant un cimetière de campagne, l’angle de la tour d’une église détruite. L’immobilité du motif se mesure dans la durée. Le paysage naît. L’atmosphère qui se dégage de l’ensemble nous offre ce que les commanditaires d’une des cinq versions de « L’île aux morts » (ca 1880) de Böcklin souhaitaient : « un tableau pour rêver ». La saisie du réel se nourrit de toutes les interprétations possibles. Le titre même de l’œuvre densifie l’image : l’asymétrie de la ruine semble dessiner le manteau de Saint Martin.

Mais, comme par effet de surprise, s’immisce un mouvement narratif dans l’image. Une figure humaine, réduite à une silhouette difficilement perceptible, se glisse dans cet environnement naturel dont la structure symbolique semble évidente. Une femme gravit lentement la ruine. Le paysage devient décor, espace scénographique. Le marquage naturel du temps, se double d’une temporalité fictionnelle, de l’esquisse d’une histoire possible. L’image se scinde en deux axes. La lente ascension tranche dans le mouvement latéral du déplacement des nuages et l’oscillation de la végétation.

Comme pour chacune de ses vidéos, tout est mis en place pour nous faire croire à la saisie d’un moment inattendu, d’une rencontre dont l’œuvre se ferait simplement l’écho. Pourtant, il n’est aucun élément dans cette image qui ne renvoie à un faisceau de références. Ainsi, l’unique plan de ce film peut être pensé en regard d’une situation cinématographique courante. Il n’est, en effet, pas une séquence classique de cambriolage qui ne mette en scène une silhouette gravissant une paroi lentement et sans bruit, dans la semi-obscurité. Un glissement s’opère. Un léger basculement chronologique entraîne le spectateur à penser un rapprochement entre deux sources iconographiques que tout semble séparer.

« Saint Martin » nous rappelle ainsi avec délicatesse que notre rapport au réel peut être catalysé par notre accoutumance aux images. D. Savary s’ingénie à laisser chacun trouver dans la réalité un espace possible de contemplation et d’enchantement. Et la précieuse fragilité de son travail vidéo est d’une contemporanéité cruelle en regard de notre addiction télévisuelle.

Denis Savary est né en 1981 à Granges-Marnand, il vit à Lausanne.

Pressetext

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Denis Savary
Saint Martin, 2006