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Après l’exposition de Richard Wright, qui a lieu du 23 avril au 20 juin, le Domaine de Kerguéhennec présentera cet été une exposition de Jonathan Monk, autre artiste de Glasgow, établi aujourd’hui à Berlin.

Jonathan Monk voit des œuvres partout. Là où il y en a. À côté. Et là où personne d’autre que lui en trouvera jamais. Des œuvres d’art qui en sont, donc. Et d’autres qui n’en sont pas, mais qui, à ses yeux, comme aux nôtres, valent bien (au moins pendant une poignée de secondes) les premières, et parmi elles certains chefs-d’œuvre, dont le défaut et l’excellence se rejoignent dans notre incapacité à les contester (au moins pendant une poignée de secondes) donc à les considérer autrement que comme des œuvres-en-tant-qu’œuvres : chefs-d’œuvre sublimes et desséchant, auxquels on ne sait plus comment redonner vie sans s’accuser soi-même d’une intolérable infériorité… références incontournables qui nous toisent salement, mais qu’on ne peut tout de même laisser à leur sinistre sort…

La démarche de Monk balance entre hommage et outrage. Et le projet de cette exposition est né de la volonté de réunir le musée imaginaire que l’artiste a composé à travers six tableaux de textes, de 2004, et les vis-à-vis réclamés par leurs légendes avec autant d’admiration que d’insolence :

- This painting should ideally be hung to the right of an On Kawara [ce tableau devrait idéalement être accroché à la droite d’un On Kawara] - This painting should ideally be hung near a Sol LeWitt [près d’un…] - This painting should ideally be hung to the right of an Ed Ruscha [à la droite d’un…] - This painting should ideally be hung to the left of an Ed Ruscha [à la gauche d’un…] - This painting should ideally be hung above a Carl Andre [au-dessus d’un…] - This painting should ideally be hung opposite a John Baldessari [face à un…]

Hommage, donc, ici aux mentors incontestables de l’art des années 60 et 70, auxquels Jonathan Monk ne cesse de payer un tribut assumé. Et outrage de changer ostensiblement ces artistes admirés en marchandises, l’article indéfini faisant de leurs noms propres un nom commun, sans distinction de genre et de qualité. Les œuvres ainsi qualifiées par raccourci ont bien sûr pour l’exposition du Domaine de Kerguéhennec été sélectionnées avec le plus grand soin, mais par un croc-en-jambe fait à l’histoire, il s’est finalement avéré impossible de réunir tous les Jonathan Monk de la série en question moins d’une année après leur dispersion à travers le monde. Heureusement, l’artiste a décidé d’en produire six autres pour l’été :

- This painting should ideally be illuminated by a Dan Flavin [devrait idéalement être illuminé par un…] - This painting should ideally be hung on the same wall as Alighiero e Boetti [sur le même mur qu’un…] - This painting should ideally be hung slightly too close to a Douglas Huebler [légèrement trop près d’un…] - This painting should ideally be hung in the same house as a Gordon Matta-Clark [dans le même bâtiment qu’un…] - This painting should ideally be hung in front of a Daniel Buren [face à un…] - This painting should ideally be hung in the shadow of a Richard Serra [dans l’ombre d’un…]

Et c’est une sélection où l’on peut être sûr de trouver un important Sol Lewitt, plusieurs On Kawara et plusieurs Edward Ruscha, un Douglas Huebler, un Boetti et, on l’espère, un Dan Flavin, qui sera finalement présentée au public du centre d'art contemporain.

Mais quiconque parcourt attentivement le catalogue des œuvres de Jonathan Monk aura remarqué un autre balancement : entre vernaculaire et universel, celui-ci. Et là s’explique le titre de l’exposition, qui ne fait que fortuitement reprendre celui de la très fameuse exposition The Family of Man, présentée au MoMA, de New York, par le photographe Edward Steichen en 1955, puis soumise à une interminable itinérance, avant d’être inscrite dans le registre « Mémoire du monde » de l’Unesco. Car trop belle était la tentation d’associer aux côtés des pièces majeures de la famille intellectuelle de Monk et des tableaux qui en sont découlés, les œuvres qu’il réalisa avec le concours de sa mère, de sa sœur, de son oncle ou de sa tante ! Ses parents se révélant, sous l’œil attendri du fils, du neveu ou du frère, des artistes minimalistes ou conceptuels involontaires et parfois des précurseurs inconnus dans leur genre. Où comment seul un artiste sachant jouer de ses influences peut donner naissance à ses parents…

Frédéric Paul.

Jonathan Monk est représenté par les galeries Yvon Lambert (Paris) www.yvon-lambert.com, Lisson (Londres) www.lisson.co.uk, Nicolai Wallner (Copenhague) www.nicolaiwallner.com que je remercie pour leur coopération.