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Pour son premier programme d'artistes en résidence, la Maison de la culture du Japon à Paris invite deux créateurs japonais qui investiront l'espace d'exposition pendant plusieurs semaines. L'un est fasciné par les infinies nuances chromatiques de la terre, l'autre par les fleurs et les plantes qui parviennent à s'épanouir dans le milieu urbain. Fruits de démarches artistiques diamétralement opposées, leurs œuvres effleurent la question de l'ambiguë frontière entre naturel et artificiel. Cependant ces installations poétiques se veulent avant tout un hommage à la beauté de la nature.

Kôichi Kurita Depuis une dizaine d'années, Kôichi Kurita collecte la terre de l'archipel. Juste une poignée à chaque fois. Elle est ensuite séchée, tamisée puis stockée. Il en a jusqu'à présent collecté plus de 10 000 échantillons, matière première de son travail artistique. En 1993, il conçoit dans une galerie de Tôkyô sa première installation constituée de centaines de cônes de terre composant un mandala. Comparable à une performance, l'élaboration de ses œuvres demande une intense concentration et rappelle la confection des mandalas de sable par les moines bouddhistes. Une installation similaire créée en 1997 dans le temple Hônen.in de Kyôto révèle pleinement une démarche artistique autant que spirituelle, où la terre est utilisée telle quelle, sans artifices. Cette passion pour la terre remonte à son plus jeune âge. Enfant déjà, Kurita collectionnait les fragments de poteries de l'époque Jômon, vieux de plus de 5000 ans, qu'il ramassait dans la campagne de Yamanashi, département limitrophe de Tôkyô où il est né en 1962. Il étudie la joaillerie dans une école spécialisée, puis se rend à Tôkyô pour travailler dans le façonnage des métaux. Il abandonne rapidement cette voie et devient un temps danseur de butô. En 1986, il entreprend un long périple qui le mènera en Inde, au Népal, en Afrique... Il prend alors l'habitude de scotcher des pincées de terre sur les cartes postales qu'il envoie à ses amis ou à ses collectionneurs. La terre occupera dès lors une place prépondérante dans sa production artistique. Il a depuis présenté ses élégantes installations dans différentes galeries de Tôkyô et de Kyôto, exposé au Musée d'art contemporain de Hiroshima, à la Biennale de Kyôto 2003, au Musée d'art contemporain de Tôkyô, animé de nombreux workshops… Il vient tout juste de publier un livre destiné aux enfants sur la beauté de la terre. Malgré cette activité foisonnante, c'est la toute première fois qu'il présente ses œuvres hors de l'archipel.

Yoshihiro Suda Yoshihiro Suda sculpte dans le bois des végétaux grandeur nature, hyperréalistes et d'une grande fragilité : camélias, roses, magnolias, mais aussi herbes folles, branches, feuilles… Il aime disposer ses œuvres dans de grandes salles, des espaces vides, dans les recoins d'une pièce. Autant d'endroits où le visiteur ne pourra les dénicher qu'après une recherche active de sa part. Il évite de ce fait l'utilisation de cartels, de barrières ou de panneaux pour signaler leur présence comme dans les expositions classiques. Cette discrétion surprenante chez un artiste souligne paradoxalement le côté subtilement transgressif de ses œuvres. Les créations de Suda nous font ainsi prendre conscience de ces petites choses que nous croyons voir mais auxquelles nous ne prêtons généralement pas attention.
Parfois, ces sculptures faussement anodines parviennent à attirer notre regard grâce à un détail surréaliste : des fleurs poussent à même le parquet, des roses sont aimantées par un mur… Toujours poétiques, certaines de ses créations ne sont pas non plus dénuées d'humour, telles ces mauvaises herbes qui " poussaient " sous la chaise du gardien dans une salle d'exposition ! Suda estime être influencé par les célèbres peintures japonaises de l'école Rinpa dont les parties laissées vides stimulent l'imagination. L'aspect inachevé de ces œuvres de l'époque d'Edo (1603-1868) le fascine tout autant que la profusion de détails dans la peinture flamande du XVIIe siècle. Cependant, il réfute catégoriquement toute relation entre ses créations et la " tradition japonaise ". La tradition se transmet, or ce solitaire n'a pas de maître ; il ne ressuscite pas non plus une technique artisanale du passé. Suda se définit comme un artiste résolument contemporain. Né en 1969 dans le département de Yamanashi, il s'installe à Tôkyô pour étudier le design graphique à l'université des beaux-arts de Tama tout en apprenant en autodidacte la sculpture sur bois. Il découvre alors une ville à l'urbanisme saturé : les rares fleurs et plantes sauvages qui parviennent à pousser dans les anfractuosités des rues de la mégalopole contrastent avec la campagne luxuriante de Yamanashi où il avait passé son enfance. Emu par l'élan vital de ces modestes plantes, il sculpte depuis lors avec la minutie d'un orfèvre des végétaux qu'il parsème dans les villes du Japon, d'Europe (Berlin, Londres, Milan…) et d'Amérique du Nord (New York, Montréal). Récemment, il a présenté ses créations à l'exposition collective Flower Power de Lille 2004, à l'exposition itinérante Location of the Spirit - Contemporary Japanese Art (Moscou, Budapest…), ainsi qu'à son exposition personnelle à la D'Amelio Terras Gallery de New York.

Pour l'installation qu'il créera à la Maison de la culture du Japon à Paris, Kôichi Kurita a sillonné la France, recueillant plusieurs centaines d'échantillons de terre dans les carrières d'ocre de Provence, les côtes bretonnes, les terrains vagues de Paris… Autant d'éléments qui lui permettront de composer une vaste mosaïque aux nuances uniques et naturelles. Une œuvre réalisée à partir de plus de 500 monticules de terre provenant des 47 départements de l'archipel instaurera un face à face pertinent. Recouvrant un des murs de la salle d'exposition, des dizaines de cartes postales soigneusement alignées feront écho à ces installations. Depuis plusieurs mois, Kurita envoie semaine après semaine à la MCJP ces cartes sur lesquelles il a collé un peu de la terre de l'endroit où il se trouve. En marge de son œuvre, elles sont les témoins du travail passionné et méthodique de l'artiste sur la terre, l'espace. Deux espaces clos à la blancheur immaculée, au centre de la salle d'exposition : tels sont les écrins dans lesquels Yoshihiro Suda a choisi de nous présenter ses nouvelles créations. Des environnements aseptisés semblables à ces endroits où l'homme a éradiqué tout ce qui était naturel et sauvage. Pourtant, c'est dans ce milieu hostile que vont s'épanouir les délicates fleurs sculptées par l'artiste. Mais restons vigilants : il se pourrait que Suda ait, comme à son habitude, placé un de ses végétaux plus vrais que nature dans un endroit plus inattendu de la MCJP…

Les plantes de Yoshihiro Suda fleuriront également au Palais de Tokyo, site de création contemporaine, du 9 avril au 3 juillet 2004 ! Pressetext

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Petites natures ? - Installations de Koichi Kurita et Yoshihiro Suda
Kurator: Dominique Truco
Salle d'exposition (niveau 2)