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La grande majorité des œuvres de Martin Kersels comporte une dimension sonore. Par-delà des différences de nature ou de volume – qu’il soit acoustique ou électronique, direct ou amplifié, qu’il se situe à un extrême ou l’autre de cet axe qui distingue la musique et le bruit -, le son y intervient selon une modalité spécifique qu’il est opportun de préciser en retournant à l’activité artistique première de Martin Kersels : la performance. De ses actions réalisées jusqu’au début des années 1990, seul ou en groupe avec les SHRIMPS (Weba Garretson, Ryan Hill et Steven Nagler), Martin Kersels a en effet conservé, outre un sens aigu de la dérision et du comique, une relation privilégiée au « performatif ». Ainsi, toutes les œuvres de Martin Kersels, ensemble de photographies, de films, de vidéos, d’installations ou de machines, mettent-elles en scène ou en présence des actes, des actions ou des opérations, qui sont des gestes performatifs (chutes, lancés, accidents, réactions en chaînes, etc.).

La dimension sonore de l’oeuvre de Martins Kersels s’inscrit toute entière dans cette esthétique performative. Il faut donc y concevoir les manifestations du son ou de la musique à l’exact inverse de ce que les fonctions d’ornementation, d’ambiance ou de bande-son (très répandues dans les œuvres contemporaines) nous proposent. Car, ici, le son participe d’un acte, qu’il soit le produit d’un geste ou d’une opération, qu’il produise à son tour une réaction en entrant en contact avec un élément extérieur. Utilisé comme un conducteur, le son obtenu par des mécanismes simples dont les effets varient selon les contextes. Dans Circle Amplification (Orange) (1996), par exemple, un aimant situé derrière une feuille de papier et fixé sur une armature rotative dessine, avec de la limaille de fer, un cercle qui apparaît sur l’autre face de la feuille. Le son du cercle qui s’inscrit est capté par un micro et diffusé sur un amplificateur et un haut-parleur de la marque Orange. Brown Sound Kit (1994) se présente sous la forme d’une machine produisant un son d’une fréquence extrêment basse, calculée pour faire perdre aux auditeurs le contrôle de leurs intestins. Dans Twist (1993), un moteur électrique enroule lentement plus de 10 000 élastiques en caoutchouc attachés à une jambe prosthétique : parvenue au maximum de tension, la jambe se met à frapper frénétiquement le mur.

Encodage des relations du son et de la matière, tensions (burlesques) de l’organique et du mécanique, de manière très directe, les objets présentés par Martin Kersels dans le cadre de l’exposition « Orchestra for Idiots poursuivent » cette même esthétique. On doit pourtant les distinguer des autres, car ce sont des sculptures qui ont tant intégré leur dimension performative qu’elles fonctionnent à l’égal d’instruments (composites et incongrus, issus de l’assemblage d’éléments hétéroclites). Pour que ces objets accomplissent leur potentiel instrumental (une sculpture devient idiote à compter du moment où elle se transforme en médiation), un concert, un « live act », sera donné en ouverture de l’exposition. C’est pourquoi une scène figurera au centre de l’espace de la galerie où chacun pourra, par la suite, jouer de ces objets-médiations pour rejoindre l’Orchestre.

Christophe Kihm

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Martin Kersels: Orchestra for Idiots