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Vernissage Samedi 2 juin 2007 à 12 heures

Notre début de 21ème siècle et la Renaissance, qui sont les deux époques par lesquelles nous accédons à Tanlay, ont ceci en commun de poser comme centrale la question du rapport au réel. La première Renaissance, en effet, s’attacha à révéler le monde par l’affirmation de ses apparences et par la mise au point des outils de sa représentation. Le Quattrocento inventa la perspective et la modernité le ready-made. C’est ce lien de l’art au monde que je voudrais interroger dans Mimetic en m’intéressant tout particulièrement aux modalités contemporaines du réalisme, qu’il s’agisse des représentations les plus illusionnistes (Maupassant disait que « les Réalistes de talent devraient s’appeler plutôt des Illusionnistes ») ou, comble de l’illusion, de purs prélèvements de réalité. Il s’agit là d’une question amplement théorisée qui semble cristalliser une part essentielle de notre rapport au monde, de nos peurs et de nos ravissements. Mais l’exposition ne saurait tenir lieu de démonstration, encore moins de preuve. L’exposition est avant tout une expérience : du corps, du regard et de l’esprit. Et plutôt que de prétendre présenter ici les actes d’une affaire résolue, il conviendra d’en suggérer les possibles questionnements, les probables apories. À la prescription théorique, préférons une exposition d’œuvres articulées en un espace spécifique, en l’occurrence celui des communs du château de Tanlay, prolongée par le site voisin de l’abbaye de Quincy où l’on verra un ensemble de pièces d’Étienne Bossut, qui reposera sur les mêmes prémisses.

Je souhaite entre autre montrer des œuvres à propos desquelles un regard rapide ne perçoit pas forcément qu’il s’agit d’œuvres d’art et qui, cependant, sont rarement de purs ready-made. On y jouera en particulier sur la question de l’échelle (l’œuvre d’art comme réel hypertrophié, exorbité), des matériaux (déni de fonctionnalité) et, plus généralement, sur la question du trouble, c’est-à-dire de la limite clignotante entre le réel et l’art. D’où la priorité donnée aux objets tridimensionnels, quand bien même la question de la peinture, d’une certaine peinture, mais aussi de l’image en mouvement, ne saurait être évacuée. L’idée de cette exposition repose sur le paradoxe suivant : si l’on s’accorde avec le philosophe Arthur Danto pour considérer que ce n’est pas par l’approche sensitive qu’on distingue l’œuvre d’art de l’objet réel, il n’en reste pas moins que l’impact visuel d’une exposition en constitue l’une des qualités fondatrices et, dans la plupart des cas, la nécessité quasi ontologique. Le visiteur sera dès lors invité à parcourir les différents espaces du centre d’art comme s’il arpentait les lieux plausibles d’une réalité familière : l’extérieur, ses charmes et ses menaces ; un chantier, un intérieur douillet, une salle de projection, une boutique et jusqu’à une salle d’exposition ! Puisse-t-il, au fil de sa déambulation et de ses découvertes, réinventer le trouble d’Alice ! Et comment y échapper parmi ces étais (Mercier) et cet échafaudage (Ghesquière), cet énorme mètre ruban (Bourgeat), ces bacs à gâcher qui sont comme des sarcophages (Poulain), ces pavés clignotant (Kohler), ces chaises repeintes (Bragigand), ces structures métalliques au sol (Denicolai/Provoost) et ces mobylettes de livreurs de pizzas (Rivet) ; entre ces produits d’entretien qui décorent le mur (Doléac), ces sculptures mobilières d’Étienne Bossut, cet étrange monochrome (Raynaud), cette drôle de suspension (Leblon), cette si précieuse tuyauterie (Mc Bride), ces conteneurs relookés de Los Carpinteros, cet étrange foyer de néons (Perbos), ce tracteur au garage (Rivet), ce scud menaçant (Büchel). Et que penser de la boutique où tout s’achète (Buysellf), de ces films en prise directe (de Blic et Durez) ? Quel statut attribuer aux pneumostructures de Gérard Deschamps, directement issues du magasin, à ces mises en abyme de Marylène Negro ou de Lara Almarcegui , à ce rien qui est tout de Jiro Nakayama ? À l’heure des parodies les plus grossières, des divertissements les plus vulgaires, il n’est peut-être pas inutile de réinjecter ce trouble qui, tout en distillant surprises et plaisir, pose quelques questions, simples ou complexes, sur l’état du monde et les moyens dont nous disposons pour l’appréhender et ne pas prendre les vessies pour des lanternes (sauf s’il s’avère que les dites vessies sont bien des lanternes…).

Jean-Marc Huitorel Février 2007

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Mimetic
L’art contemporain et le réel
Ort: Communs du Château de Tanlay, Tanlay
Kurator: Jean-Marc Huitorel

Künstler: Lara Almarcegui, Delphine de Blic, Etienne Bossut, Lilian Bourgeat, Franck Bragigand, Christoph Büchel, Los Carpinteros , Simona Denicolai, Gerard Deschamps, Florence Doleac, Anne Durez, Dominique Ghesquiere, Vincent Kohler, Guillaume Leblon, Rita McBride, Mathieu Mercier, Jiro Nakayama, Marylene Negro, Laurent Perbos, Guillaume Poulain, Jean Pierre Raynaud, Pascal Rivet