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L’exposition Stopover s’inscrit dans la lignée de Fiction ou réalité ? ( 2003) ou encore Shifting Worlds (2005), présentées ces dernières années au Centre d’art contemporain de Fribourg. Stopover interroge non seulement la notion de migration et de mouvement, mais souligne aussi le fait que les identités se construisent en fonction des expériences vécues et qu’elles se transforment tout au long de l’existence. Face aux trois questions originelles D'où venons-nous ? Qui sommes-nous ? Où allons-nous ? chaque être cherche inlassablement à identifier et à recomposer l’image fragmentée de sa propre condition. Quant aux artistes de Stopover, ils traversent tous ce paysage infini, proche ou lointain, composant et associant leur regard à celui de l’autre. Leurs oeuvres reflètent la difficulté de s’identifier à une culture homogène, ouvrant alors un dialogue entre rupture et tradition.

A l’extérieur et au rez supérieur :

-Le travail d’Eduardo Srur, intitulé Acampamento dos anjos - Campement des anges - (2006), présente d’emblée un campement éphémère qu’il applique à la façade-pignon de Fri-Art. Ce refuge est illuminé de l’intérieur et devient métaphore de l’exposition elle-même. L'artiste définit ce travail comme une tentative de transcendance, un pont entre un monde physique et spirituel, traditionnel et moderne dans lequel la société allie sans détour précarité à durabilité.

-La série Logradouro (2006) de Marcos Chaves est une installation in situ. Architecte de formation, il aime à composer avec l’espace, construisant au moyen de codes de signalisation (des bandes adhésives) un jeu de fuite qu’il transforme en une expérience spatio-temporelle. Fourvoyant les repères signalétiques et les références visuelles, les zones sécurisées circonscrivent alors un danger imprédictible.

-Dans do céu, da terra - du ciel, de la terre- (2003)de João Modé, l’espace devient à la fois conquête et quête spirituelle. Des ballons contiennent des messages dont la trajectoire crée un lien dynamique et métaphysique entre ciel et terre.

-Quant à Arabescos de lagartixas, - Arabesques avec salamandres - (2006) de Lia Menna Barreto, la tension entre forme et contenu – les salamandres - dévoile les puissantes contradictions d’un univers enfantin et ludique qui se construit alors que l’adulte recherche le simulacre, démantelant un champ de signes et d’images simulées.

-Les poissons ou les fourmis dans Love Lettering (2002) de Rivane Neuenschwander et Sergio Neuenschwander et dans World- Word (2001) de Rivane Neuenschwander et Cao Guimarães parcourent le monde et dessinent les contours d’une histoire dont la mémoire personnelle et collective partage avec poésie un langage universel.

-Si l’œuvre d’ Ana Roldán, intitulée Kill the Beest (2006), joue avec les mots « bees » et « beast », c’est pour non seulement intensifier le malaise qu’elle crée au milieu d’une nuée d’abeilles, mais surtout mettre en lumière un monde désincarné et oppressant. L’être humain, aliéné et instrumentalisé, a d’ailleurs disparu de cette mise en scène pour faire place à un fragment ou à une prothèse, représentée par un gant en cuir aux apparences fétichistes et totalitaires. Métonymie de l’artiste et de la création artistique, cette main invisible renferme le miel, emblème de l’opulence.

-Avec le Complexe du perroquet (2002) et le Promeneur (en théorie), (2005), Julio Villani présente deux œuvres, dédiées intimement à l’anthropophagisme cutlturel brésilien et à l’histoire de l’art occidentale. Que ce soit le perroquet faisant l’apologie de "L'œuvre d'art à l'époque de sa reproduction mécanisée" de Walter Benjamin ou encore l’éloge à la machine célibataire duchampienne, l’artiste met en exergue le caractère industrieux d’une culture hybride, donnant l’impression illusoire de multiplier dans un mouvement incessant paradoxes et bizarreries.

-La vidéo, intitulée Untitled (mask tap dancer) (2005), de João Onofre présente un danseur de claquettes masqué qui déambule dans une ville. La quête de ce promeneur solitaire reste mystérieuse. Cette danse de claquettes et cette mascarade alliées à un mouvement de fuite obsessionnelle suscite une rêverie schizophrénique, qui se parachèvera dans une bouche de métropolitain. Cette manière équivoque de fixer l’image en mouvement à une action déterminée sonde la capacité critique du spectateur, tout en l’éconduisant.

-Living Pictures / Dignidad (2002) de Sylvie Blocher est une installation vidéo, réalisée avec des habitants de la ville de Buenos Aires. Intéréssés par l’avis de recherche pour le tournage de Sylvie Blocher, ils ont été à sa rencontre, parés de leurs plus beaux atours et munis d’une musique ou d’une chanson. Toutefois, la situation économique dramatique « fit oublier » à quelques-uns l’idée du bel habit, qu’ils ont remplacé pour la circonstance par une « attitude de dignité ». Ils se racontent et nous racontent une histoire, leur histoire. Puis, de manière inattendue, un homme apparaît, il récitera les noms des criminels. C’est un fils de disparu.

-La double projection, Contagio (2005), de Tomás Ochoa raconte l’histoire de Victor López, acteur à Buenos Aires. Alors que la crise économique sévit, il décide de « descendre dans la rue » et d’y vivre avec ses occupants. Une vie d’errances et de rencontres fortuites dessinent les contours de vies singuières et multiples. Les paysages défilent et ne se ressemblent pas, les contrastes déploient alors grandeur et décadence, animalité et humanité. . Dans la cage d’escalier : -Paola Junqueira présente une série de performances, intitulées 24 Hours of a Hole, commencées en 1998 et qu’elle effectuera pendant dix années, jusqu’en 2008. Elle totalise avec régularité 24 heures de travail par trou et raconte son expérience à travers différentes cultures. L’histoire de ces trous est équivoque, c’est la volonté de créer un espace à soi qui motive l’artiste, mais c’est aussi le désir de creuser un réservoir d’expériences commun à travers le monde. Par ailleurs, pour Paola Junqueira, « creuser, c'est en même temps découvrir les couches superposées de la terre, les sédiments, qui racontent l'histoire de celle-ci ».

-La vidéo, La Flecha de Zenon (1992) de Jorge Macchi et David Oubiña évoque l’amorce des films. Des chiffres et des décimales apparaissent et disparaissent, se subdivisant à l’infini. Inscrits dans des cercles, ces séquences font référence à la difficulté de considérer le temps, la continuité, le mouvement ou l'infini. Si l’artiste devait accepter l'impossibilité de diviser le temps et l'espace à l'infini, c’est qu’il refuserait les paradoxes, en prouvant tout et son contraire. . Au premier étage : -Le cinéma expérimental brésilien rencontre à travers Helena Ignez - en collaboration avec Fabio Delduque- une forme installative, intitulée Electric Sganzerland (2005/2006). Pour la première fois, l’œuvre cinématographique de Rogerio Sganzerla sera présenté à la fois au Festival International de films de Fribourg et à Fri-Art sous forme d’une« cine/installation » alliant à sa manière l’histoire du cinéma européen.

-Quant à la construction scénique de Nils Nova, WHAT YOU SEE, IS NOT WHAT YOU GET (2006) ainsi que Nova TV « Lost Highway » (2002) et Erste Aufnahme der Erde vom Mars aus (Première reproduction de la terre depuis Mars) (2005) allient différents supports artistiques, il s’est approprié un langage hybride dans lequel le sujet reconstruirait dans une vision déçue l’ob-jet perdu. Altérant la lecture ordinaire des médias, l’artiste détourne et manipule la fonction première de l’image, en la projetant dans un espace fictif. Le sujet-percevant doit d’emblée redéfinir sa relation à l’œuvre et à son environnement direct. A la fois démentie et affirmée, l’image et l’information donnée se substituent à l’espace pour créer une expérience spatio-temporelle d’une qualité à la fois critique et cinématographique.

-Quant à Maria-Carmen Perlingeiro, Mundo maravilhoso dos objetos flutuantes - Monde merveilleux des objets flottants - (2003/2005) sont des sculptures d’une maîtrise absolue auxquelles l’artiste confère à la fois matérialité et immatérialité. Elles évoquent un univers organique, donnant à la matière, l'albâtre, sa propre vie.

L’installation vidéo de -AUTO Psi à Sao Paulo (2004) de Fabiana de Barros et du cinéaste Michel Favre comporte deux projections contiguës, deux volets qui se répondent, documentant et associant en un diptyque des rencontres fortuites. AUTO Psi est une intervention urbaine dans laquelle Fabiana de Barros propose aux passagers de commenter des dessins et des peintures – des planches psychologiques, intitulées « Thematic Aperception Test (TAT) de Murray -, tout en partageant un parcours en taxi dans la ville de Sao Paulo. Un voyage intérieur se lie au monde extérieur avec lyrisme et ce déplacement spatio-temporel confère au monde environnant une dimension psychologique, un transfert rendant compte par analogie et synchronisme des expériences sociales et humaines dans un contexte urbain.

Stopover est elle-même une exposition migrante en continuelle métamorphose, elle grandit et se mue en fonction des lieux et des contingences. Intitulée Espace urbain X Nature intrinsèque, elle avait été organisée – avec Lia Menna Barreto, Fabiana de Barros, Michel Favre, Marcos Chaves, João Mode, Rivane Neuenschwander,Sergio Neuenschwander Cao Guimarães, Maria-Carmen Perlingeiro et Eduardo Srur - pour l’Espace Topographie de l’art à Paris par la commissaire d’exposition, Evangelina Seiler, en 2005 ainsi qu’Adon Peres comme initiateur et garant de ces expositions migratoires.

Aujourd’hui, elle prend une nouvelle forme, grandit et fait escale en Suisse pour parfaire ensuite son voyage à Sao Paulo. A l’instar des regardeurs se promenant à leur gré dans les salles d’exposition de Fri-Art, les notions de passage et de « mouvement » sont abordées. Toutefois, l’intention portée est de retracer dans une histoire proche ou lointaine la découverte du continent latino-américain, expérimentant avec poésie et humanité une culture hybride et « anthropophage » (rappelons qu’à l’instar du métissage culturel, le mouvement anthropophagiste, développé au XX ème siècle au sein du modernisme brésilien, prône la déconstruction des cultures étrangères par l’assimilation de leurs idées et de leurs valeurs pour faire émerger une vision du monde originale). D’autre part, cette exposition révèle une approche sociopolitique par le truchement du documentaire et du cinéma. Les artistes et les cinéastes tissent alors des regards croisés entre différentes cultures, explorant la richesse et la diversité d’un monde en pleine expansion. Que ce soient Sao Paulo, Mexico City ou encore Buenos Aires, ces mégalopoles témoignent de cette fascination et de cette brutalité urbaine que l’opulence d’un monde globalisant cherche à dicter à travers la planète.

L’Amérique latine n’incarne-t-elle pas depuis toujours cette promesse d’un nouveau monde, tout en portant son propre drame, celui de la destruction de civilisations anciennes et de vastes contrées. La force de cette Amérique ne se situerait-il pas dans ce double trajet inachevé ? Ne serait-ce pas un voyage imaginaire à multiples facettes dans un monde plus que réel?

Pressetext

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STOPOVER

mit Lia Menna Barreto, Fabiana De Barros & Michel Favre, Sylvie Blocher, Marcos Chaves, Helena Ignez & Fabio Delduque, Paola Junqueira, Jorge Macchi, Joao Mode, Rivane Neuenschwander & Sergio Neuenschwander, Nils Nova, Tomas Ochoa, Joao Onofre, Maria-Carmen Perlingeiro, Ana Roldan, Eduardo Srur, Julio Villani